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Des mots et de la fantaisie

28 décembre 2009

Ronsard

Un petit retour dans le temps... Un auteur incontournable mais je nous épargne les sonnets pour Hélène ! Bien que là encore, il écrit pour une femme :)

Sonnet à Sinope

L'an se rajeunissait en sa verte jouvence

Quand je m'épris de vous, ma Sinope cruelle ;

Seize ans étaient la fleur de votre âge nouvelle,

Et votre teint sentait encore son enfance.

Vous aviez d'une infante encor la contenance,

La parole, et les pas ; votre bouche était belle,

Votre front et vos mains dignes d'une Imrnortelle,

Et votre œil, qui me fait trépasser quand j'y pense.

Amour, qui ce jour-là si grandes beautés vit,

Dans un marbre, en mon cœur d'un trait les écrivit ;

Et si pour le jourd'hui vos beautés si parfaites

Ne sont comme autrefois, je n'en suis moins ravi,

Car je n'ai pas égard à cela que vous êtes,

Mais au doux souvenir des beautés que je vis.

Pierre de RONSARD, Sonnets amoureux dédiés à Sinope,(1559).


Pierre_de_Ronsard__1524_1585_

Pierre de Ronsard (1524-1585)

'Prince des poètes et poète des princes'. Pierre de Ronsard, figure majeure de la littérature poétique de la Renaissance, appartient à la Pléiade. Adepte de l’épicurisme, il a produit une œuvre vaste qui, en plus de trente ans, a touché aussi bien la poésie engagée et 'officielle' dans le contexte des guerres de religions avec les Hymnes et les Discours (1555-1564), que l’épopée avec La Franciade (1572) ou la poésie lyrique avec les recueils des Les Odes (1550-1552) et des Amours (Les Amours de Cassandre, 1552 ; Les Amours de Marie, 1555 ; Sonnets pour Hélène, 1578).

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28 décembre 2009

Baudelaire XIII

La Beauté

Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,

Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,

Est fait pour inspirer au poète un amour

Eternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris;

J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes;

Je hais le mouvement qui déplace les lignes,

Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,

Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,

Consumeront leurs jours en d'austères études;

Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,

De purs miroirs qui font toutes choses plus belles:

Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!

Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Spleen et Idéal, XVII.

10 décembre 2009

José-Maria de Heredia

Cette fois-ci, c'est un poète que je ne connaissais absolument pas. J'ai ouvert au hasard une anthologie et l'ai trouvé ! Et j'avoue que cela m'a plu ! Mélanger la poésie et l'histoire, 2 de mes marottes... Il ne m'en fallait pas plus !

La Trebbia

L’aube d’un jour sinistre a blanchi les hauteurs.

Le camp s’éveille. En bas roule et gronde le fleuve

Où l’escadron léger des Numides s’abreuve.

Partout sonne l’appel clair des buccinateurs.

Car malgré Scipion, les augures menteurs,

La Trebbia débordée, et qu’il vente et qu’il pleuve,

Sempronius Consul, fier de sa gloire neuve,

A fait lever la hache et marcher les licteurs.

Rougissant le ciel noir de flamboîments lugubres,

A l’horizon, brûlaient les villages Insubres ;

On entendait au loin barrir un éléphant.

Et là-bas, sous le pont, adossé contre une arche,

Hannibal écoutait, pensif et triomphant,

Le piétinement sourd des légions en marche.

José-Maria de HEREDIA, Les Trophées, Rome et les Barbares, Horteum Deus, 1893.

* La Trebbia : rivière de la Ligurie et de l'Émilie-Romagne au Nord de l'Italie et un affluent du Pô. Il y eu lieu 2 batailles. Une en 1799 et celle dont le poème est l'objet en 218 av. JC pendant les guerres puniques. Cette bataille antique s'est soldée par la défaite des Romains menés par Scipion l'Africain face aux Carthaginois d'Hannibal.

* Les Insubres: peuple celte.

Heredia__1842_1905_

José-Maria de Heredia Girard (1842-1905)

D'origine cubaine, il est naturalisé français en 1893. C’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers.



14 octobre 2009

Baudelaire XII

SEMPER EADEM

« D’où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,

Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? »

– Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,

Vivre est un mal. C’est un secret de tous connu,

Une douleur très simple et non mystérieuse,

Et, comme votre joie, éclatante pour tous.

Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !

Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !

Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !

Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,

La Mort nous tient souvent par des liens subtils.

Laissez, laissez mon cœur s’enivrer d’un mensonge,

Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe,

Et sommeiller longtemps à l’ombre de vos cils !

Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Spleen et Idéal, XL.


* Semper Eadem = "toujours la même" ou "toujours les mêmes choses".

26 septembre 2009

Theodore de BANVILLE

Celui-là, je le dédie à ma meilleure amie ! Je ne pouvais pas trouver de mieux nommé ! ^^

LE THE

Dans la belle tasse chinoise,

Où des poissons d’or cherchent noise

Au monstre rose épouvanté.

J’aime la folle cruauté

Des chimères qu’on apprivoise :

Miss Ellen, versez-moi le Thé

Dans la belle tasse chinoise.

Là, sous un ciel rouge irrité,

Une dame fière et sournoise

Montre en ses longs yeux de turquoise

L’extase et la naïveté :

Miss Ellen, versez-moi le Thé.

Miss Ellen, versez-moi le Thé.

Theodore de BANVILLE, Rondels, 1875.


Banville__1823_1891_

Theodore de BANVILLE (1823-1891)

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26 septembre 2009

Baudelaire XI

Publié dans la revue L'Artiste en 1860, il a été recueilli l'année suivante dans la deuxième édition des Fleurs du Mal.

J'aime bien celui-ci. Un instantané de vie ^^

A UNE PASSANTE

La rue assourdissante autour de moi hurlait.

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d’une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,

La douceur qui fascine et la plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté

Dont le regard m’a fait soudainement renaître,

Ne te verrais-je plus que dans l’éternité ?

Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !

Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !

Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Tableaux parisiens, XCIII, 1860. 

20 août 2009

Marot

Alors, on change d'époque et retourne à la Renaissance, au tout début avec ce poète français qui fut l'un des premiers grands poètes classiques français. Il fut le protégé de Marguerite de Navarre, soeur du roi de France François Ier.

DE L’AMOUREUX ARDENT

Au feu qui mon cœur a choisi

Jetez-y, ma seule Déesse,

De l’eau de grâce et de liesse,

Car il est consumé quasi.

Amour l’a de si près saisi,

Que force est qu’il crie sans cesse

Au feu.

Si par vous en est dessaisi,

Amour lui doit plus grand’détresse

Si jamais sert autre maîtresse ;

Doncques, ma dame, courez-y

Au feu.

Clément MAROT (1496-1544), L’Adolescence Clémentine, 1538.


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Clément MAROT, 1496-1544.

20 août 2009

Baudelaire X

A THEODORE DE BANVILLE

Vous avez empoigné les crins de la Déesse

Avec un tel poignet, qu’on vous eût pris, à voir

Et cet air de maîtrise et de ce beau nonchaloir,

Pour un jeune ruffian terrassant sa maîtresse.

L’œil clair et plein du feu de la précocité,

Vous avez prélassé votre orgueil d’architecte

Dans des constructions dont l’audace correcte

Fait voir quelle sera votre maturité.

        Poète, notre sang nous fuit par chaque pore –

Est-ce que par hasard la robe du Centaure

Qui changeait toute veine en funèbre ruisseau

Etait teinte trois fois dans les baves subtiles

De ces vindicatifs et monstrueux reptiles

Que le petit Hercule étranglait au berceau ?

Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Poèmes Divers, juillet 1845.


* Théodore de Banville (1823-1891) est un dramaturge, critique et poète français. Il fut l'un des chef de file du parnasse auquel, dans son oeuvre, il unit le romantisme. Ami de Baudelaire, il reçut ce sonnet en juillet 1845 et décidé de l'insérer dans l'édition des Fleurs du Mal de 1868.

20 août 2009

Robert DESNOS

Allez, on change de registre ! Des souvenirs d'enfance, ça vous tente ? ;)

LA FOURMI

 

Une fourmi de dix-huit mètres

Avec un chapeau sur la tête,

Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Une fourmi traînant un char

Plein de pingouins et de canards,

Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Une fourmi parlant français,

Parlant latin et javanais,

Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Eh ! Pourquoi pas ?

Robert Desnos, Chantefables et Chantefleurs.


Desnos__1940_45_

Robert DESNOS (1940-1945)

20 août 2009

Baudelaire IX

L’ENNEMI

Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,

Traversé ça et là par de brillants soleils ;

La tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,

Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j’ai touché l’automne des idées,

Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l’eau creuse des trou grands comme des tombeaux.

Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Spleen et Idéal, X.

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